Lettre ouverte aux aéro-sceptiques
Aux effaroucheurs et aux apeurés, aux adeptes de la décroissance, aux agitateurs, aux opportunistes, aux doux rêveurs nous disons ceci:
Le ciel est sans doute l’une des plus belles conquêtes de l’Homme. Voilà plus de cent années qu’apprivoiser le vol sur des machines de plus en plus performantes et complexes est qualifié de progrès. Comme les secteurs de la santé de l’informatique ou de l’agriculture celui de l’aérien fait partie de ceux qui ont le plus œuvré pour le bien de l’humanité.
Parce qu’il réduit les distances et qu’il rapproche les peuples dont rien n’aurait pu permettre de prédire qu’ils se rencontreraient un jour, l’avion nous a ouvert de nouvelles portes et des horizons inconnus. Les échanges qu’il a permis ont bien plus surement contribué à pacifier le Monde et enrichir nos expériences anthropologiques que n’importe quelle autre industrie. Ainsi même si vider des pintes de bière au soleil à deux mille kilomètres de chez soi n’est pas la meilleure illustration de ce que peut nous apporter l’avion, cela contribue malgré tout à développer notre conscience d’appartenir à un Monde dont la réalité ne s’arrête pas au coin de notre rue.
Cette facilité que nous avons à pouvoir voler peut aujourd’hui nous apparaître d’un commun fort ennuyeux. Le caractère magique de l’aviation est hélas invisibilisé par sa propre banalisation. Il l’est aussi vu à travers le prisme des écrans qui nous donnent l’illusion que toute la vie pourrait idéalement tenir dans une diagonale de quelques centimètres. La prégnance de la tentation de remplacer l’échange direct par la simple image d’un échange est assurément renforcée par le progrès du numérique. Devrons nous pour autant nous laisser prendre au piège? Car à bien regarder il y a pourtant des signes qui ne trompent pas.
L’avion pour celle ou celui qui le prend pour la première fois n’est jamais banal. Il n’est pas banal non plus pour les millions de gens qui attendent de pouvoir un jour se déplacer en volant. De quel droit les en priverait on? Les voyageurs rassasiés ou reconvertis en donneurs de leçons n’auront sans doute pas assez d’arrogance pour cela. Leurs reculades n’entameront pas l’envie de ceux qui attendent leur heure pour quitter le périmètre que leur condition leur avait jusqu’ici imposé.
Oublier notre chance au prétexte d’une lutte dont la portée sociétale vise l’évitement d’ un cataclysme climatique s’appuyant autant sur des faits rationnels que sur des peurs irrationnelles, relève évidemment du caprice digne de celui qui a tout. Les enfants gâtés que nous sommes devenus oublient sans doute un peu trop vite ce qu’il en a coûté d’efforts, de sacrifices, humains parfois, pour pouvoir profiter d’un tel résultat.
Nous devons reconnaître que voyager en avion n’a pas toujours été facile. Ce n’est dès lors pas le moindre des paradoxes de constater que ceux qui ne pouvaient pas voler ne rêvaient qu’à rendre la chose possible alors que ceux qui le peuvent ne rêvent désormais qu’à la rendre plus difficile. L’homme se perd et se ridiculise parfois dans ses contradictions.
Aussi, faisons preuve de réalisme et de pragmatisme. Acceptons de devoir temporiser un peu même si le scénario qu’on nous présente est sombre. Comme disait Pedro Calderon de la Barça “contrairement aux apparences, le pire n’est pas toujours certain”.
Assumons fièrement les progrès qu’un siècle d’aviation a permis et admettons que notre aviation n’est pas plus aboutie aujourd’hui qu’elle ne l’était hier. Nous nous garderons bien ainsi de l’amputer de son potentiel car nous pouvons en être certains, les plus grandes réussites restent à venir.