Transport Aérien: Stop aux clichés
Publié avec l’aimable autorisation de Xavier Tytelman consultant aéronautique, Philippe Fonta expert en développement durable ainsi que Julien Abidhoussen, Elena Djakovitch, Adil Cader, Benjamin Passini, Damien Gaudin.
Les auteurs de ce document, sont des hommes et des femmes de tout âge, professionnels du secteur aérien, engagés au quotidien à la réduction de son empreinte environnementale.
Conscients que le changement climatique est un de plus grands défis de notre existence, ils souhaitent aider notre secteur à pérenniser ses efforts pour trouver ensemble des solutions durables, les implémenter et permettre au secteur de continuer à apporter ses bénéfices économiques et sociétaux.
Par une approche non dogmatique ils souhaitent ouvrir la porte à un vrai débat, fondé sur des faits et sur la science
A travers cet échange de connaissances les auteurs entendent ouvrir un vrai débat, à ce jour inexistant, construire, ensemble, et communiquer de façon compréhensible à l’ensemble de la société une vision réaliste de la place du secteur aérien dans le monde moderne, incluant :
- L’impact actuel du transport aérien en matière environnementale
- Les efforts mis en œuvre et les engagements pris, apportant déjà des premiers résultats
- Les recherches entreprises pour mieux comprendre certains impacts et lever des incertitudes
- Les nombreux axes et programmes complémentaires devant conduire à des solutions adaptées pour atteindre une décarbonation du secteur
Retrouvez chaque semaine une nouvelle infographie dans cet article évolutif
Première vérité: Malgré sa croissance, l’aérien a déjà divisé par 2 ses émissions de CO2 en 30 ans
Le secteur aérien n’a pas attendu la prise de conscience de la société sur le réchauffement de la planète pour traiter son empreinte environnementale. Les avions modernes sont 80% moins émetteurs de CO2 que les appareils équivalents des années 1960.
Cette amélioration de l’efficacité énergétique a permis de découpler la croissance des émissions de gaz à effet de serre de l’augmentation de trafic. Ainsi, au cours des trente dernières années, la consommation de carburant par passager-kilomètre transporté et les émissions de CO2 associées ont été réduites de plus de 50%.
Chaque nouvel avion permet une amélioration d’environ 20% par rapport à la génération précédente, et les nouveaux appareils consomment environ 2 litres de carbuurant par passager sur 100km.
Selon le scénario de développement durable de l’International Energy Agency (IEA), l’efficacité énergétique doit asurer plus de 40% de la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie au cours des 20 prochaines années.
Plus encore, dès 2009, le secteur s’est aussi engagé à atteindre une croissance neutre en carbone dès 2020 et à diminuer de moitié les émissions nettes de CO2 de l’aérien en 2050 par rapport au niveau de 2005.
2% des vols génèrent 80% des trainées de condensation
Savez vous qu’avec une amélioration de la coordination entre les services de la navigation aérienne, les services météorologiques, les données en temps réel des avions, on pourrait mieux éviter les zones où se créent les trainées de condensation et ainsi annuler quasiment leur effet réchauffant? Pour plus d’informations et pour les références documentaires
Même si l’incertitude (sur l’impact de ces trainées sur le réchauffement climatique) est environ 8 fois plus importante que pour le CO2, l’aviation adopte une attitude responsable en travaillant à mieux lever ces incertitudes d’une part (essais Airbus, Rolls-Royce)) et à trouver des solutions techniques (dont les carburants alternatifs durables) et opérationnelles (Changer de trajectoires de vol) pour limiter drastiquement ces impacts d’autre part.
Les carburants alternatifs durables permettent de diminuer de 80% les émissions de CO2
Les #CarburantsAlternatifs durables (SAF) permettent d’améliorer l’impact climatique de l’aérien jusqu’à 80% par rapport à un carburant traditionnel.
Les SAF ne doivent pas entrer en compétition avec la nature (pas d’huile de palme…) ni l’alimentation (pas de maïs, betterave…), contrairement aux “biocarburants” routiers.
Les #SAF sont issus de résidus agricoles ou d’huiles usagées, et les nouvelles générations seront produites à partir de déchets végétaux (feuille d’arbres, algues….) ou de la captation directe de CO2 atmosphérique.
Les avions sont aujourd’hui capables de fonctionner avec un mélange contenant 50% de SAF, et des travaux sont réalisés pour valider son utilisation à 100%
En Europe, 10% du carburant pourrait être durable d’ici 2030, créant également une filière d’emplois sur tous les territoires.
Source : https://lnkd.in/gHg-gGz
L’Ecopilotage permet une réduction de 5% des consommations
L’écopilotage regroupe les pratiques visant à réduire l’empreinte environnementale de l’aviation. Ces pratiques existent depuis un certain temps et connaissent une forte accélération ces dernières années, notamment sous l’impulsion des #BigData, qui permettent de réduire la consommation de carburant de l’ordre de 5% par vol.
A partir des données opérationnelles (météo, poids de l’avion, longueur de piste…), la poussée des moteurs et les trajectoires pourront être optimisées.
Ces bonnes pratiques comprennent également l’extinction d’un moteur lors du roulage, l’utilisation modérée des inverseurs de poussée, la sortie optimisée des volets ou des trains d’atterrissage, l’évitement du fuel tankering, le vol à un cost index faible…
Des outils permettent désormais d’améliorer la bonne application de toutes ces pratiques, et la totalité de la flotte mondiale sera donc optimisée d’ici quelques années.
Tractage électrique = réduction de CO2
Le Saviez-vous ?
Pour se déplacer au sol, les avions utilisent leurs moteurs qui ne sont pas optimisés pour cette utilisation.
Les systèmes de roulage électrique permettent de réduire la consommation de carburant de 5% pour les vols court / moyen courrier.
De nombreuses solutions sont en cours de déploiement, comme l’utilisation d’engins de tractage électrifiés ou l’installation d’un moteur dans la roue avant des avions. Les aéroports sont par ailleurs engagés dans une transition vers une électrique durable, d’origine renouvelable ou nucléaire.
Cette bonne pratique devient progressivement la norme sur tous les aéroports, tout comme la mise en place d’infrastructures permettant d’éviter l’utilisation de l’APU
Réduire le poids des avions peut réduire la consommation de 3%
Le saviez vous ? 🤔 La consommation en carburant des avions est directement liée à leur masse. Aussi, les constructeurs d’avions et les compagnies aériennes mènent des travaux de recherche afin d’identifier des leviers pour alléger les avions. 😀
Une fois l’effort constructeur réalisé (les matériaux composites ont permis un allègement de 20 à 25% par rapport à des matériaux traditionnels, les peintures sont maintenant plus légères et moins polluantes), cette lutte contre la masse superflue est quotidienne :
– L’entreprise française Expliseat a développé un siège 3 fois plus léger que les précédents, pouvant amener plus d’une tonne de réduction de masse sur un avion de type Airbus A320 ou Boeing 737, et réduisant ainsi la consommation (et les émissions de CO2 associées) de près de 4%
– Une même approche peut être apportée avec les galleys et autres équipements.
– Le passage à de la documentation opérationnelle digitale (depuis la traditionnelle mallette de vol des pilotes) a permis de réduire l’emport papier de l’équipage technique d’une quinzaine de kilos, pour chaque vol.
– De même, United Airlines a réussi à réduire la masse des magazines disponibles à bord de 28g, économisant ainsi 643 000 litres de carburant sur un an, ou 1600 tonnes d’émissions de CO2
– Enfin et de façon un peu plus légère en conclusion, si chaque passager passait aux toilettes avant d’embarquer, avec une moyenne de 100g en moins par passager, on pourrait éliminer près de 18 kg à chaque vol, pour un moyen-courrier.
Aéroports : l’atout de la biodiversité
Les infrastructures du transport aérien requièrent une emprise au sol relativement réduite: plus de 70% des espaces aéronautique sont constitués de prairie et de surfaces aquatiques, permettant de préserver la biodiversité environnante. Sur la petite couronne parisienne, 50% des prairies sont ainsi situées dans les espaces aéronautiques. Ces espaces, clôturés pour des raisons de sécurité, sont protégés et non piétinés, offrant de bonnes conditions pour le développement et la reproduction des espèces. L’association Aéro Biodiversité évalue et valorise cette biodiversité aéroportuaire.
La construction de la LGV Bordeaux – Toulouse (début des travaux prévus en 2022) conduira à artificialiser 5.000 hectares d’espaces (dont 1240 ha de terres agricoles et 2.865 ha de forêt), impactant de nombreuses zones humides et milieux naturels riches. A titre de comparaison, seule une petite partie des 1500ha de l’aéroport d’Orly sont bétonnés…
Connaissez vous le “vortex surfing”?
Les oiseaux migrateurs minimisent leurs efforts physiques en volant en formation grâce au “vortex surfing”. L’oiseau suiveur bénéficie d’un gain de portance grâce au vortex créé dans le sillage de l’oiseau en amont. En 2003, la NASA a obtenu 29 % de gain en consommation de carburant en l’appliquant sur des vols militaires [1].
Le projet Fello’Fly d’Airbus réplique le principe pour l’aviation civile. Les avions suiveurs pourraient économiser jusqu’à 10% de carburant. Des partenariats existent déjà avec des compagnies aériennes comme French Bee et SAS Scandinavian Airlines [2].
[1] : ‘NASA – Sky Surfing for Fuel Economy’ https://lnkd.in/eY35smf
[2] : ‘Airbus : partenaires Fello’fly, A380neo et A350-1000 | Air Journal’, 2020
https://lnkd.in/eAdJs4Q
Augmenter le diamètre des moteurs diminue la consommation de carburant
Dans un turboréacteur moderne classique, la poussée est fournie par la combustion du kérosène mais aussi en grande partie par l’accélération de l’air de la soufflante.
Augmenter le débit d’air en agrandissant la taille de la soufflante permet d’augmenter la contribution de celle-ci et de diminuer a fortiori la consommation de carburant, pour obtenir le même niveau de poussée.
En utilisant ce principe, les moteurs de la dernière décennie qui équipent les avions de dernière génération (comme les Airbus A320neo, A330neo, A350, les Boeing 737MAX ou encore 787 Dreamliner) ont permis de réduire de 15 à 20% la consommation de carburant par rapport à la génération précédente.
Deux concepts de moteurs bien avancés étendent cette technologie pour la prochaine génération d’aéronefs et permettront ainsi d’économiser jusqu’à 20% additionnels de carburant par rapport à la génération actuelle.
Rolls-Royce teste actuellement son premier prototype d’Ultrafan[1], une architecture similaire aux moteurs actuels mais environ 30% plus large.
CFM a récemment dévoilé son concept d’Open-Fan (parfois aussi appelé Open-rotor), un moteur non caréné avec un potentiel supérieur dans la réduction des émissions[2].
Ces nouveaux concepts seront bien entendus compatibles avec l’utilisation de carburants alternatifs durables (SAF), en accord avec la règlementation du moment.
[1] Gregory Polek, ‘Rolls-Royce Starts Work on First UltraFan Engine’, Aviation International News https://lnkd.in/g_dtAH9 [accessed 28 June 2021].
[2] ‘Safran et General Electric vont développer le moteur de l’avion du futur’, Le Monde.fr, 15 June 2021 https://lnkd.in/gcQkXDD [accessed 28 June 2021].
Sustainable Aviation Fuel
Les carburants alternatifs durables d’aviation (ou SAF) permettent de réduire:
– de 80% le bilan carbone de l’aviation sur son cycle de vie,
– de 50 à 70% les traînées de condensation produites.
Contrairement aux biocarburants qui peuvent utiliser n’importe quelle matière première, les SAF se veulent réellement durables et ne doivent pas être en concurrence avec la nourriture (maïs, beterave, soja…) ni avec la nature (huile de palme…).
Ce sont donc des déchets végétaux (feuilles d’arbres, gazon coupé, algues échouées sur les plages…), alimentaires ou agricoles (huiles usagées, résidus de sucre…) qui sont utilisés.
Les eFuels permettent pour le part de directement capter le CO2 atmosphérique avant de le mélanger avec de l’hydrogène, ils font également partie des SAF.
La mise en place des carburants alternatifs durables d’aviation est progressive (des discussions sont en cours pour atteindre 10% du carburant européen en 2030), et l’ensemble du kérosène pourrait à terme être du SAF.