De l’aviation populaire à l’aviation crépusculaire
Il fut une époque, lointaine certes, où l’aviation en France était populaire. Non pas que sa perception par les français était forcément meilleure ni qu’elle faisait rêver plus qu’aujourd’hui, mais parce que l’Etat avait à son égard la bienveillance de celui qui en attendait quelque chose.
Ainsi, si les aéroclub recrutaient des jeunes à tour de bras et que voler ne coûtait qu’une petite fraction du prix de l’heure de vol grâce à la généreuse subvention allouée par l’Etat Français , ce n’était pas pour faire plaisir aux aspirants pilotes mais bien pour fournir à nos armées des bataillons de pilotes de guerre.
En 1936 sous le Front populaire de Léon Blum; l’aviateur Pierre Cot alors ministre de l’air est à l’origine d’un des plus formidables chapitres de notre histoire aéronautique. Il voulait ouvrir l’aviation à tous, non sans arrière pensée toutefois.
Les temps ont bien changé. Si l’armée recrute toujours quelques bras parmi les passionnés pour faire voler ses vaillants chalumeaux et ses beaux avions de transport, l’Etat se passe bien aujourd’hui de favoriser par ses largesses, l’accession aux zincs cocardés. Des filières de recrutement et de formation spécifiques se chargeant souvent de chasser « les taupes » fraîchement sorties de prépa.
L’aviation n’étant plus très populaire, la France par l’entremise de ses élites politiques préfère aujourd’hui succomber aux appels des sirènes écologiques et tomber à bras raccourcis sur ses aéroclubs qu’elle a pourtant chéris. Si elle n’y prend garde, le vivier de jeunes passionnés pourrait rapidement se tarir. Les avions étant, technologie et drones aidant, de plus en plus autonomes, on pourrait même finir un jour par ne plus avoir besoin de pilotes. Et qu’importe si au-delà des pilotes, c’est aussi la fibre passionnée de nos ingénieurs en aéronautique qui disparait. Du moins pour ceux qui auraient pu tomber petits dans la marmite.
Il nous reste à espérer que dans l’esprit de nos élites, la formation des ingénieurs pour fabriquer des lave-linges ne soit pas interchangeable avec celle pouvant servir à fabriquer des drones ou autres engins volants.
Rien hélas n’est moins sûr dans ce monde globalisé où l’on croit pouvoir toucher à tout sans maîtriser les bases. Il suffit parfois de lire les propos de “spécialistes aéronautiques convaincus” pourtant issus de secteurs bien différents pour s’en apercevoir. Des ingénieurs Supaero décarbo qui n’ont trop souvent d’aéro que le nom car évoluant dans d’autres domaines aux chercheurs du monde agricole, l’intervention trompeuse des donneurs de leçons illégitimes risque d’éloigner, si personne n’y met le holà, un peu plus l’espoir de rendre à notre aviation sa place légitime et sa force.
Il serait alors cocasse qu’il nous soit donné de constater qu’après 85 ans, la France soit parvenue à faire passer son aviation d’un état populaire par volonté de grandeur à un état crépusculaire pour quelques considérations idéo-climatiques.