"L’aviation est la preuve que si on nous en donne la volonté, nous avons la capacité de réaliser l’impossible" Eddie Rickenbacker

Quand la 100LL s’envole…

Quand la 100LL s’envole…

By on Mar 22, 2022

1+

C’était à craindre. Après 2 années compliquées en raison du covid, l’aviation légère doit maintenant faire face à un autre fléau. Celui de l’augmentation inconsidérée du prix du carburant.

Comme nous l’avions prédit dans un article traitant du même sujet en janvier 2021, l’augmentation contextuelle de la 100LL va aujourd’hui bien au delà des pires projections que nous aurions pu faire. Avec ses 26 centimes d’augmentation d’une TICPE appliquée sous couvert d’un rééquilibrage de fiscalité jugée trop avantageuse, la Loi Climat Résilience visait surtout à flatter la frange écologiste. Celle là même qui à travers ses élus, affirme tout haut que l’avion ne doit plus faire rêver les enfants, interdit les meetings aériens et imagine un ciel sans mouvements. Elle ne peut aujourd’hui que se réjouir des sommets atteints par le carburant aviation.

Est-ce bien raisonnable?

En préalable à toute réponse, on doit s’interroger sur le sens qu’il faut donner à nos plaintes contre une banale histoire de prix qui viendrait simplement obscurcir l’horizon de nos vols. Ceci à l’heure où des innocents meurent chaque jour sous des bombes à moins de 3 heures de Paris. Certains ne manqueront pas d’y voir encore des petits problèmes de gens privilégiés. On pourrait s’arrêter là mais veiller à la préservation, autant que faire se peut, des activités aériennes, vaut bien autant que la préservation d’autres activités. C’est d’autant plus vrai qu’on ne parle pas ici de pénurie mais bien de taxation (intarissable elle).

Toutes les stations ne sont pas encore rendues à ces extrêmes mais la 100LL livrée par Total à 2,71 TTC bord de cuve additionnée avec les marges exploitants place le litre d’essence avion aux alentours des 3€. Insoutenable.

Des associations et une pratique en danger

L’ aviation légère est une activité fragile par nature. D’abord parce qu’elle est exigeante. Un matériel cher, une maintenance rigoureuse non sans lien avec une réglementation pointilleuse en font d’emblée une pratique onéreuse dont l’équilibre, fondé majoritairement sur un modèle associatif et bénévole, se précarise à chaque nouvelle augmentation. Ajoutons à cela une crise des vocations en partie liée aux modes de consommation et nous avons le socle des difficultés qui font peiner une activité dont la France pouvait légitimement s’enorgueillir jusqu’à l’apparition de considérations écologiques la désignant comme cible privilégiée.

Un déclin préjudiciable

S’il est de bon ton dans notre société de tacler l’aviation de loisir au prétexte qu’elle figurerait en bonne place dans le palmarès des activités dangereuses pour la planète, personne ne devrait souhaiter trop fortement la voir disparaître. La perte de ce patrimoine commun plus que centenaire ne serait qu’un détail face à la perte plus globale qu’engendrerait un effondrement de l’aviation légère en France. Au delà du tissus associatif dense et dynamique, fort de ses 600 aéroclubs répartis sur 450 aérodromes, de nombreuses entreprises s’appuient également sur les moyens de l’aviation légère pour exercer des activités de travail aérien aussi variées qu’indispensables. L’attrition marquée du secteur s’accompagnerait immanquablement de l’ appauvrissement d’une culture aéronautique qui s’étend bien au delà de celle du “pilote du dimanche”.

Pilotes militaires ou civils, ingénieurs; contrôleurs… sont souvent issus de ce creuset que l’Etat avait en d’autres temps souhaité et dont le riche maillage aéronautique actuel atteste ostensiblement de la grandeur passée.

Notre aviation de tourisme tire en partie ses origines du programme de Pierre Cot et Jean Zay. Même crées plus tard, de nombreuses structures associatives sont encore aujourd’hui reconnues d’utilité publique et le SEFA (Service d’Exploitation de la Formation Aéronautique) lui même se trouve être l’héritier direct des Sections d’Aviation Populaire.

L’aviation d’aujourd’hui prépare l’arrivée de celle de demain.

Nous devons prendre garde de ne pas tuer aujourd’hui les futurs clients des jeunes start-up et et des industriels qui travaillent avec enthousiasme sur les avions de demain. En attendant la maturation des nouvelles technologies, il faut absolument préserver nos capacités à développer techniquement et commercialement le marché de l’avion décarbonné. C’est précisément le tissus associatif actuel ainsi que les acteurs visés par des mesures mortifères qui seront amenés à remplir les futurs bons de commande.

La France est le premier pays en Europe pour l’aviation légère, le deuxième dans le monde derrière les Etats-Unis, et il ne fait aucun doute que cette vitalité de l’aviation légère est un facteur important du maintien à un très haut niveau de notre culture et de nos compétences aéronautiques, et donc l’un des piliers sur lesquels repose aussi nos succès industriels.

Dgac observatoire de l’aviation civile 2017

Appelons collectivement à aider le secteur

S’il n’est pas simple de lancer cet appel à l’aide compte tenu du contexte actuel, cette démarche n’en reste pas moins vitale. Ne serait que pour montrer notre attachement collectif à nos activités. Nous appelons donc les fédérations à réagir sans attendre auprès des autorités compétentes.

La Fédération Française Aéronautique actuellement engagée à juste titre dans la promotion du Vélis électrique n’ ignore pas les défis auxquels ce nouveau mode de propulsion est confronté actuellement. Il faut bien sûr poursuivre ces efforts mais en même temps comprendre qu’à ce jour, Lycoming, Continental ou Rotax restent la seule réalité concrète pour la grande majorité des aéroclubs. Elle doit par conséquent tout faire pour sauver l’activité et l’attractivité de ses adhérents qui faute de mieux à court terme, n’ont que la 100LL (ou l’UL91) pour voler.

La FFA qui a affirmé récemment que “l’aviation de demain serait électrique ou ne serait pas” doit prendre conscience que “sans l’avion d’aujourd’hui fonctionnant à l’essence, l’avion électrique pourrait surtout avoir du mal à trouver sa place”.

Arrêtons de nous voiler la face. Bertrand Piccard n’aurait jamais bouclé son tour du monde à Bord de Solar Impulse sans l’aide précieuse d’avions de ligne “bien carbonnés” eux, permettant aux ingénieurs d’avoir toujours une escale d’avance sur l’avion de demain.

Nous vivons un tournant à bien des égards et les données nouvelles auxquelles nous faisons face nous appellent à la prudence. Nous serions alors bien avisés de ne pas jeter la pierre trop promptement aux énergies fossiles.

Envie de partager cet article?

Post a Reply

468 ad

Vous aussi participez à la défense de l'aérien en diffusant nos articles

RSS
EMAIL
LINKEDIN
Share