Quand l’excuse climatique dicte sa loi
Je suis tombé ce matin sur une tribune libre du site Capital. J’ai trouvé son entrée en matière tellement juste que je ne peux m’empêcher de vous la livrer en préambule de cet article. Nul besoin d’y retoucher une seule virgule.
Même si le sujet dont traite cette tribune est à l’origine très différent de celui qui nous occupe, leur dénominateur commun appelle, hélas, les mêmes remarques et souligne sous la plume de l’auteur les conséquences fâcheuses qu’elles risquent fort d’entraîner. En voici donc le contenu:
“Ce qui se passe est merveilleux. Le projet de loi Climat résilience examiné ces jours-ci par l’Assemblée Nationale, avant de partir au Sénat, soulève certes des objections et les quelque 4.700 amendements déposés par les députés de tous bords, y compris de la majorité présidentielle, témoignent des débats que ce texte soulève. Pour autant, ce travail se fait sur fond d’adhésion inconditionnelle au développement durable. Il s’est installé dans notre pays, en Europe et dans le monde entier une idéologie de la transition énergétique, qui emporte tout sur son passage. Il ne saurait être ici question de douter de la nécessité de sauvegarder la planète pour nous et pour les générations futures, mais c’est jusqu’aux moyens et aux échéances qu’il n’est plus politiquement correct de discuter, pas plus pour le logement que pour l’avenir de la filière nucléaire ou l’organisation des transports. Et pourtant, s’agissant de ce qui renvoie à la micro-économie et à la situation des ménages, comment ne pas nuancer l’enthousiasme dominant quasi religieux ?”
Nuancer l’enthousiasme dominant quasi religieux
Voilà bien une chose que nous devons collectivement nous efforcer de faire afin de tenter de revenir un peu sur terre. Pour ce qui est du “quasi religieux” nous pouvons utilement rappeler qu’en la matière, l’Etat se doit de veiller à ce qu’une religion puisse se vivre librement dans la sphère privée et qu’elle ne s’impose pas aux autres. Respecter une forme de “laïcité écologique” aurait au moins le mérite de modérer l’enthousiasme de ceux qui n’aspirent qu’à sauter des barrières pour imposer de gré ou de force leur point de vue aux autres.
La seconde remarque porte sur le fossé qui sépare la pertinence de la question écologique et la manière dont on la traite. Le recours systématique au dogmatisme et l’idéologie omniprésente sont simplement insupportables. C’est pourtant bien à partir de cela qu’aujourd’hui la loi est faite. On peut aussi dénoncer sans trop se tromper l’instrumentalisation rampante et à peine dissimulée d’une cause, l’écologie, par les adeptes d’une autre, l’anticapitalisme.
Une loi pour l’écologie. Vraiment?
On peut légitimement s’interroger par exemple sur le sérieux ou l’objectivité supposée du dernier rapport du Shift Project. D’abord parce qu’il s’appuie parfois sur de simples articles de presse, ce qui l’éloigne étrangement de la rigueur attendue d’une approche scientifique. Ensuite parce qu’il s’inspire d’auteurs dont la pensée penche clairement vers “l’objection de croissance”. Tout cela traduit sans ambiguïté un projet très éloigné de la simple préoccupation climatique.
Reporterre est un site français d’actualité lancé en 2007 par le journaliste Hervé Kempf, sous-titré « le quotidien de l’écologie », qui traite principalement de problématiques environnementales et sociales. La ligne rédactionnelle de Reporterre est de considérer que « la dégradation rapide de l’écologie planétaire est LE problème politique de ce début du XXIe siècle », en restant toutefois « impartial et non partisan »
Une inspiration particulière
Citons par exemple Hervé Kempf du site Reporterre, dont les ouvrages “Que crève la capitalisme” ou “Les riches détruisent la planète” auraient pu amener monsieur Jancovici à prendre quelques précautions d’usage, ne serait-ce que pour la forme. Mais au final, peut être a t’il raison de ne pas s’en être donné la peine, puisqu’après tout, rien de tout cela ne semble choquer les oreilles présentes dans les assemblées où se discutent les lois.
Il ne s’agit donc pas ici de minimiser la question climatique dans sa dimension universelle mais de la rendre acceptable et digeste pour tous.
Méthode géniale mais mauvais résultat
Au lieu déverser dans tous les domaines un flot de mesures aussi futiles qu’inutiles et souvent nuisibles (pour les gens, pour l’économie), ceux qui légifèrent en principe pour l’intérêt général seraient bien inspirés de ne pas se réfugier derrière l’excuse climatique pour accepter n’importe quoi de n’importe qui.
De beaux rapports tombent comme par enchantement. Rédigés par de pseudo spécialistes de l’aéronautique (le directeur de Supaero se détache lui même des propos qu’il qualifie de politiques de ses élèves “décarbo“) ils sont comme une collection de “prêt à penser” griffés pouvant servir de pain béni pour les uns, de paroles d’évangile pour d’autres. La méthode relève surtout d’un entrisme habile qui révèle un peu plus le génie du patron du Shift Project.
La concomitance d’ actions de terrain menées par des activistes plus radicaux (Greenpeace, ANV Cop 21, Extinction rébellion…) mais qui partagent à n’en pas douter les mêmes auteurs, laisse à penser que tout l’ensemble procède d’une ambition commune même si pour des raisons évidentes de crédibilité elles ne peuvent se donner la main au grand jour.
Puisque tout ce qui arrive n’est pas dû au hasard, rien malheureusement ne laisse présager la sérénité nécessaire pour régler efficacement, et peut être plus encore démocratiquement l’éminente question du climat. Question dont il faut craindre que dans un tel contexte, elle ne serve autant de sujet que d’excuse.