"L’aviation est la preuve que si on nous en donne la volonté, nous avons la capacité de réaliser l’impossible" Eddie Rickenbacker

Info ou infox: “Les contrails ont un impact majeur sur le climat”

Info ou infox: “Les contrails ont un impact majeur sur le climat”

By on Jan 8, 2021

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Les traînées de condensations (ou contrails) sont des nuages artificiels produits suite à la réaction de combustion d’un turboréacteur à haute altitude. Selon les conditions atmosphériques, elles peuvent être inexistantes, temporaires ou persistantes (sous forme linéaire ou étendues en cirrus). Comme pour les turbulences, il existe des zones plus propices à la formation de cirrus persistants et qui concernent une minorité de vols (2% des vols sont responsables de 80% du forçage radiatifs dû aux contrails).

Tandis que les contrails temporaires ont un effet négligeable, les formes
persistantes ont un effet réchauffant sur la planète car elles empêchent une partie du rayonnement thermique terrestre de repartir vers l’espace (effet couverture). Ce qui est souvent mis en valeur dans les rapports ou les articles, c’est que leur effet est plus important que celui du CO2 émit par l’aviation. Ce qui est souvent oublié, c’est le degré d’incertitude de cette valeur.

Un impact incertain

Quelques extraits d’études publiées

  • « Aggregating these processes to calculate changes in a greenhouse gas component or a cloud radiative effect is a complex challenge for contemporary atmospheric modeling systems. » (D.S. Lee et Al. 2020)
  • « The uncertainties for contrail cirrus were estimated partly from expert judgement of the underlying processes » (=pifomètre) (D.S. Lee et Al. 2020)
  • « IPCC assigned a large uncertainty and low confidence to reflect important aspects with incomplete knowledge (e.g., spreading rate, optical depth, and radiative transfer). » (D.S.Lee et Al. 2020)
  • « Uncertainty distributions (5%, 95%) show that non-CO2 forcing terms contribute about 8 times more than CO2 to the uncertainty in the aviation net ERF in 2018. » (D.S.Lee et Al. 2020)
  • « Uncertainties in the methodology and the modeling are significant and discussed in detail. » (Chen and Gettelmann 2016)
  • « Despite such considerable uncertainty it is obvious that the reduction of contrail cirrus ERF is much larger than it is in case of a CO2 forcing of similar magnitude » (Bickel et Al.2020)
  • « but sublimation loss factors and ice crystal number concentrations remain uncertain until measurements become available » (Karcher 2018)
  • « The RF of linear contrails, which are conceptually simpler, also has significant uncertainty. » (Paoli ; Shariff 2016) 
  • etc …

Voici d’ailleurs l’indice de confiance qu’accorde le GIEC en 2013 (IPCC 2013, Chapter 8, Table 8.5) sur cette valeur

Et celui de l’étude de D.S. Lee et Al. 2020, la plus récente:


Dans cette étude (D.S. Lee et Al. 2020) qui fait un bilan de l’état des connaissances actuelles, le mot « uncertainty-ies » apparaît 125 fois en 29 pages. Ce n’est pas un argument très scientifique mais c’est frappant à la lecture de l’article de voir à quel point les chercheurs sont beaucoup moins certains que les journalistes/activistes.

Un réchauffement local et temporaire

Notons également que les contrails ont un mécanisme de réchauffement différent de celui du CO2. Même si leur pouvoir réchauffant est à priori plus fort, elles agissent de manière locale et temporaire (quelques heures vs 100 ans+ pour le CO2). L’effet sur le climat global est donc potentiellement très différent de celui du CO2 et n’est pas forcément comparable. Une concentration de chaleur temporaire située à l’intersection de couloirs aériens et de zones atmosphériques « à contrails » n’a pas le même effet qu’une couverture planétaire de gaz à effet de serre. Et contrairement au CO2, la disparition de l’émission des contrails signifie la disparition immédiate de leur effet réchauffant.

Un phénomène évitable

Plusieurs études (Stettler, 2020 & Avila et Al. 2019) suggèrent que des changements de route ou d’altitude (+/- 2000ft) peuvent réduire significativement l’effet des contrails. En effet, seulement 2% des vols sont responsables de 80% du forçage radiatif dû aux contrails (Cf. figure ci-contre).

L’analyse de vols au dessus du Japon (Stettler, 2020) a permis de démontrer qu’une altération de trajectoire de 1,7% des vols pouvait réduire le forçage radiatif (effet réchauffant) des contrails de 59,3% (35,6% de l’ensemble contrail/CO2). Si en plus les avions étaient dotés de moteurs à DAC (Double annular combustor, technologie existante), alors on peut réduire l’effet réchauffant des contrails de 91,8% (56,5% de l’ensemble contrail/CO2) avec le même taux d’altération des vols (cf. présentation des travaux de Stettler, 2020). 

Ce type de modification mineure de trajectoire est déjà régulièrement opéré pour éviter une zone de turbulence ou des cumulonimbus par exemple, et il semble tout à fait réalisable de faire la même chose pour éviter les zones à contrails. Car si l’influence des contrails sur le réchauffement demeure encore très incertaine, les conditions permettant leur formation sont connues. Une information météo supplémentaire sur ces zones permettrait d’anticiper les trajectoires dès la planification des vols, et un système de capteurs permettrait de remonter aux pilotes si ils volent dans une telle zone.

L’utilisation de carburants adaptés pourrait également diminuer l’effet réchauffant des contrails de manière significative. Les carburants produits à partir de composés durables (SAF) contiennent naturellement peu de composés aromatiques ce qui réduit le pouvoir réchauffant des contrails (Burkhardt et Al. , 2019). Il existe également la possibilité de diminuer la concentration de ces composés dans le kérosène produit à partir de pétrole, ce qui offrirait une solution à plus court terme.

D’autres effets refroidissants

Enfin d’autres effets ayant un pouvoir refroidissant ont été avancés dans certaines études (Chen and Gettelmann 2013/2016 ; Penner et Al. 2018 ; D.S. Lee et Al. 2020). Il s’agit des interactions entre les aérosols (sulfates et suies) et les nuages. Les aérosols rendent les nuages plus réfléchissants, ce qui empêche une partie du rayonnement solaire de rejoindre la surface terrestre. Ces effets ne sont pas pris en compte dans les calculs d’impact de l’aviation sur le climat car les études les concernant ne sont pas assez nombreuses ni assez robustes. Pour autant les premières estimations donnent des ordres de grandeurs loin d’être négligeables:

L’indice de confiance sur l’effet des interactions nuages/aérosols liés à l’aviation est pour le moment jugé « très faible »  (D.S. Lee et Al. 2020, Table 4):

Ces effets refroidissants ne sont donc le pas pris en compte dans calcul de l’impact de l’aviation sur le réchauffement climatique (D.S. Lee et Al. 2020, Fig. 3):

Cependant le GIEC (rapport 2013) prend en compte les effets des interactions nuages/aérosols (non spécifique aviation) (IPCC 2013, Chapter 8, Fig. 8.15) pour le calcul global des émissions anthropiques.

La robustesse des résultats devra être améliorée mais on pourrait s’attendre à une diminution sensible de la part de l’aviation dans le réchauffement climatique à l’avenir. 

Une comparaison CO2/Contrails peu pertinente

L’hypothèse d’une aviation qui aurait un effet global refroidissant montre bien la limite de l’équivalence donnée aux effets temporaires (dont les contrails) avec le CO2 et de la notion de Radiative Forcing (RF) appliquée à l’aviation: si la recherche devait démontrer un RF global négatif de l’aviation (effet refroidissant), devrait-on arrêter les efforts sur la réduction des émissions de CO2? Peu de chances que les climatologues approuvent. 

En effet, on sait au moins 2 choses avec certitude sur le CO2: il est néfaste pour le climat, et une fois émit il restera pour une longue période sans moyen de mitigation. Les GES temporaires ont une action beaucoup plus incertaine, et une diminution de leurs émissions effacerait immédiatement leur action sur le climat. La comparaison des GES temporaire et du CO2 ne peut être qu’encadrée par des hypothèses plus ou moins arbitraires, et il convient d’être très vigilant avant de prioriser la diminution de l’un ou de l’autre, ou bien d’agréger leurs effets à un instant t sans parler du contexte. 

Dans un rapport sur les effets hors CO2 de l’aviation, l’EASA rappelle bien que la notion brute de RF/ERF n’est pas adaptée à des fins de réglementation: « As such, RF or ERF are of relevant for understanding science, but are unsuited for direct use in policy or regulation that considers emissions equivalency. » 

Et dans le cadre de l’information carbone, la loi considère que ces effets ne doivent pas être pris en compte

Conclusion

la vulgarisation d’articles scientifiques omet parfois des informations importantes. Dans cet exemple des contrails, il est très rare de tomber sur des articles qui font part d’explication du phénomène, du haut degré d’incertitude sur leur impact, ou des solutions envisageables pour en diminuer les effets. Il en résulte une surestimation simpliste de l’influence de l’aviation sur le réchauffement climatique alors que les GES temporaires ne devraient être comparés au CO2 que dans un contexte précis (études de compromis par exemple). Ces effets hors CO2 doivent rester des points d’attention au niveau scientifique et industriel, mais doivent aujourd’hui être décorrélés de l’information CO2 de l’aviation. 

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